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2 octobre 2017 1 02 /10 /octobre /2017 05:30

Nous avions passé la journée à Wansee à savourer la quiétude des bois. Les lacs et les oiseaux nous avaient entouré durant des heures. L'été allemand nous berçait de sa douceur. Nous étions jeunes, adolescents. A la nuit tombante, de retour à Berlin j'avais tant aimé son baiser. Elle m'avait souri avec une tendresse mi complice mi amusée. Nous étions confiants en nous disant que l'Europe était décidément si belle. Si chaude. Si prometteuse.

C'était il y a 21 ans.

Deux décennies suffisent à détruire les beaux rêves. Parfois moins.

Je n'étais pas né que le 4 mai 1980 s'éteignait le Maréchal TITO. La Yougoslavie, je ne l'ai connue qu'à la télé. Bien avant cet été berlinois j'y ai vu tant de meurtres au JT. Le rêve titiste aura mis dix années à disparaitre. Balayé paradoxalement par la chute d'une Union Soviétique de laquelle il s'était démarquée très tôt. Ce rêve ne fut pas que fugace pourtant. Au point qu'un jour, en 1999 je crois, j'ai entendu un Président d'une Cour d'Assises s'emporter devant le détenu qui comparaissait devant lui. Cet homme, yougoslave, avait tué l'amant de sa femme. Du grand classique en droit pénal. Il dépeignait sa jeunesse, se lamentait sur son passé, enfant, en Yougoslavie. Le Président de la Cour s'était alors levé, tourné vers cet encore présumé innocent, et loin de garder son sang froid s'était écrié: "Mais enfin Monsieur, vous avez été scolarisé, et gratuitement, c'était encore les grandes années du Maréchal Tito". Stupeur sur les bancs.

Mardi dernier, Emmanuel MACRON a tenu un beau discours. Sur l'Europe. Un discours sur l'UE cela se fait rare. Un beau discours, encore plus. C'était comme une renaissance d'une idée, d'un concept, d'un rêve. Mitterrand et Kohl ont sans doute frémi en l'entendant. Sûrs qu'ils se sont pris les mains, comme à Douaumont en 1984. Peut-être aussi qu'ils ont laissé échapper une larme. En se disant que le beau rêve prend forme. Enfin.

On a parfois l'impression que les déchéances arrivent avec certains. Comme s'il fallait des pantins pour enterrer ce que d'autres ont patiemment forgé.

Mariano Rajoy ressemble à cela. Un type qui arrive quand on ne l'attend pas,qui joue un rôle qu'il ne comprend pas lui même. Mais qu'il joue à fond, jusqu'au bout. Et qui regarderait le ciel étoilé, les yeux levés au ciel pendant qu'autour de lui les murs du palais s'effondrent.

Hier soir j'ai compris que tout était fini.

Le rêve européen ne sera finalement mort ni à Srebrenica sous les cadavres fumants de milliers de civils musulmans, ni sur les barbelés hongrois de Monsieur Horban. Mais bien à Barcelone.

La Catalogne ce dimanche a tué Europe. Elle a ouvert une boite de Pandore bien plus dévastatrice. Après elle viendront les Ecossais, les Flamands, les Corses, et pourquoi pas les Etats de Béarn, de Lorraine ou de Bavière...

Le tragique est sans doute là. Emmanuel MACRON arrive bien tard. Sans doute trop tard. Hier soir, Barcelone a enterré le rêve européen des Grandes Nations forgées aux Traités de Westphalie et de Vienne. Et nous n'avons plus de Philippe IV ni de Talleyrand pour sauver l'essentiel. L'équilibre des grands Etats.

L'enterrement d'Europe peut commencer.

 

 

 

 

 

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26 août 2017 6 26 /08 /août /2017 07:30

Edmund Burke et Joseph de Maistre n'en reviennent pas ! Ils avaient construit à eux deux, l'un anglais, l'autre savoyard, la philosophie contre révolutionnaire la plus aboutie. La plus réfléchie. Comme on érige un courant d'idées. Et qui perdure par delà le dernier soupir. Et voilà que...

Qu'on la partage ou non, une idée, construite et pensée se respecte. Et se discute. Voilà d'ailleurs un beau paradoxe. Ce courant aura bénéficié, comme les autres, de ce qu'il rejetait: une vague des "Lumières" qui allait édicter que rien ne vaut plus que le débat, la confrontation des opinions, garantie d'une société libre de penser par elle-même. Loin de Dieu, du Roi.

L'autre jour, un ami dépeignait ainsi notre société: "aujourd'hui, on ne pense plus collectif, on ne pense qu'en catégories. Le "noir" est seul légitime à parler de racisme, le "juif" d'antisémitisme, "la femme" de machisme etc etc..". Dis moi qui tu es, je te dirai quoi penser. Fin des débats. Mort des idées.

Au rang de ces symptômes contemporains est apparu un de ces termes les plus douteux qu'il soit. "l'islamophobie". Et l'on y désigne ainsi celui qui serait "anti Islam", voire "anti musulman". Bien que le lien entre les deux soit des plus discutables. Critiquer une religion ne remet pas en cause le droit de quiconque d'y adhérer.

Bossuet lui même aurait apprécié...

La dernière "Une" de Charlie Hebdo s'est donc attirée les foudres d'une part des penseurs de nos si beaux jours. Charlie aurait ainsi, selon certains, fait acte de termes "islamophobes".

Il y aurait pourtant peu à discuter pour établir un lien entre Islam et terrorisme contemporain. Pas tout l'Islam, certes. Mais au moins un de ses courants, le plus réactionnaire (dans ses concepts) et le plus doué dans ses modalités d'action. Aussi dévastateur que le furent le courant de gauche radicale italienne dans les années 70, ou le pseudo courant libérateur basque ETA faussement étiqueté "de gauche" contre le vilain Franco.

Et c'est ainsi que, désormais, tout discours contre une religion est assimilée à de la xénophobie, voire du racisme. Comme si la critique de concepts amenait à s'en prendre à ceux qui y croient.

Attaqué par Le Midi Libre pour avoir viré de son cours une étudiante voilée, Georges Frêche avait copieusement répliqué. Rappelant que "la critique des religions est un droit fondamental des libertés publiques". C'était bien vu.

Parce qu'il n'y a pas de liberté de pensée sans droit à un discours critique, voire oppositionnel. Tout comme certains sont contre les concepts catholiques, protestants ou juifs, il y a aussi un droit à être contre ceux de l'Islam, dans toutes leurs complexités. Il en va des libertés publiques.

Mais de nos jours, le sexe a remplacé l'humain, l'ethnie a remplacé le citoyen. Le moindre discours critique vous envoie au tribunal. Comme aux temps de l'Inquisition où l'on brûlait quiconque émettait une parole hors du carcan catholique.

Pathétiques temps contemporains où les dogmes remplacent les idées.

Voici revenu l'Ancien Régime.

Diderot doit tant pleurer...Burke et De Maistre quant à eux sourient sans doute.

 

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 09:15

Nous étions si bien à l'ombre des grands pins. Le soleil écrasait la forêt landaise de toute sa chaleur décuplée. Les cigales crissaient  autour de nous. A quelques encablures de là, l'âme de Mauriac imposait au promeneur perdu entre Saint Symphorien et Malagar, la retenue qui s'imposait.

Et l'exigence de penser qu'instaurent les livres. Et la culture.

Nous étions si bien entre un baiser au lépreux et Génitrix...

Et l'orage vint.

Avec lui, ni éclair, ni pluie. Rien qu'un silence. D'ébahissement.

Simone Veil aura été une icône de son vivant, chose suffisamment rare pour être soulignée. Elle qui n'en avait jamais eu la moindre envie, aura marqué d'un engagement impérieux, presque impérial, 40 années de vie politique inattendues.

Des désaccords, il y en eut. Des prises de positions discutables, aussi. Comme  au début de l'ère 70, quand elle s'opposa violemment au film salvateur "Le Chagrin et la Pitié" qui devait déclencher en France un mouvement de réflexion collective sans précédent, par la mise à mal presque le terrassement du mythe d'une France résistante. Mythe forgé conjointement et de façon mensongère, car à des seules fins politiques, par De Gaulle et le PCF au sortir de la guerre.

Pourtant, Simone Veil aura su dépasser cette grave erreur d'analyse pour transformer son passé, son vécu, au service d'une lutte contre l'oubli (toujours dangereux) et d'une exigence de mémoire collective, au delà d'une vision trop judéo-centrée de la Shoah.

Nous étions sous les pins. Et le pas de Mauriac résonnait. Et le train arrivant au Nizan. On pensait culture et livres. Et l'on fut sidéré. Presque foudroyé.

Qu'une cheffe de la communication élyséenne ait pu, un seul instant, rien qu'une seconde, oser écrire de Simone Veil, "yes, la meuf est dead". Voilà bien le signe des temps funestes qui approchent.

Non, Madame Ndiaye, ni votre couleur de peau, dont tout le monde se fout, ni même vos origines, dont tout le monde se moque, ne sont la source d'aucune polémique. C'est juste un grand pays, fait de diversité mais aussi de Culture et d'une Langue savamment forgées par des siècles d'Histoire qui s'émeut, justement, d'autant d'inconséquence. Et d'autant d'irrespect.

Se retrancher derrière l'habituel procès, telle l'Inquisition folle des temps nouveaux, du racisme n'a pas de sens. Un tel procès révèle seulement votre crasse inculture, et celle de vos soutiens.

Votre SMS n'est que le pathétique symbole de votre piètre ignorance, du mépris pour les morts, et d'une claire inconscience de vos propres fonctions. Et de la dignité qui s'y rattache.

Oui, Madame Ndiaye, Simone Veil est bien morte. Mais non, elle n'est pas "dead".

La République est France, et sa langue est française. Il n'y a là ni racisme, ni rien d'autre qu'une exigence morale, et d'Etat, et d'union, d'un peuple si fort divers qu'il a besoin de liens et de liant. Comme une langue. Et le respect des morts.

Mauriac ne vous en voudra pas. Il ne fera que vous ranger parmi ceux qui ne l'ont jamais lu. Ou pis, jamais compris. Car on imagine mal un lettré, cultivé, s'exprimer comme vous l'avez osé. Sans respect, sans scrupule. Sans conscience.

A Uzeste, cet été, la honte a succédé à la stupeur. Le dégoût aussi. D'autant peu de conscience et d'autant d'ignorance.

Il n'y a ni racisme ni rien d'autre que l'exigence morale, intellectuelle et nationale d'un peuple ivre de livres et de culture.

Tout ce qui vous manque tant.

 

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Published by Manolito
19 juillet 2017 3 19 /07 /juillet /2017 16:21

Le 19 juillet est un jour pour militaires. Un de ceux après qui, une fois sonné minuit, on n'en revient pas. Malgré quelques galons et médailles bien gagnés.

Le 19 juillet 1936, Emilio Mola, Grand d'Espagne l'avait bien compris. Il en a tiré toutes les conséquences. La Navarre était à lui. Pampelune la grande aussi. L'Espagne presque. Franco n'était qu'un parmi d'autres alors. Ce ne fut qu'un soulèvement, mais décisif. Irrémédiable.

Ce matin à Paris, Pierre Le Jolis De Villiers De Saintignon a du se dire que pour lui aussi, le 19 juillet resterait gravé. Le Chef d'Etat Major des Armées a claqué la porte.

De Villiers n'aime pas "se faire baiser". Il l'a redit la semaine dernière devant des députés. Alors il a tapé, tapé, pour que la table s'ébranle et qu'à Balard on sache que le grand chef  n'en démordrait pas.

Un Chef d'Etat Major, le plus haut militaire possible, qui ouvre sa gueule, cela fait toujours peur. La "grande muette" n' a pas pour habitude de vociférer. Partout, dans les casernes, les tentes, au plus loin des terrains d'opération, personne ne parle. En tout cas pas aux autres, pas aux civils. Encore moins aux politiques.

Pierre De Villiers lui, a parlé. Gueulé même.

C'était devenu une habitude au cours des 3 années à ce poste. Jamais sans doute un aussi haut dignitaire de l'armée n'avait autant osé. Massu, si. Mais entre De Gaulle et lui il y avait tant de choses...

Villiers sait d'où il vient. De la Vendée. Là-bas, personne n'a oublié. Plus de deux siècles après, on parle encore des guerres, des massacres, des curés écrasés par une République d'alors qui saignait autant qu'elle avançait.

Le 19 juillet 1936, à Pampelune, Emilio Mola a claqué la porte. Il a appelé Franco pour lui dire que la Navarre, cette terre hostile et tempétueuse, venait de se soulever. Mola a fait alors le grand bon, comme aurait dit Mao plus tard. Il a envoyé promené la République espagnole, toute crevant de bêtise et d'incompétence.

Ce matin, Pierre Le Jolis De Villiers De Saintignon a du repenser à tous ses ancêtres. Ils ont servi par monts et par vaux, les campagnes des rois de France. Certains y sont morts. D'autres en sont revenus. Rarement sans médaille.

Ce 19 juillet, Pierre De Villiers l'a vu venir. Il savait que ses 5 étoiles ne le protègeraient pas ad vitam aeternam. Mais il y est allé. Il a osé. De source sûre, il se murmure que Macron voulait le garder. Tellement fougueux, soit, mais tellement aimé.

Le 19 juillet, à Pampelune, le rubicon était franchi. Emilio Mola l'avait bien compris.

Le Général Pierre De Villiers aussi.

Question de principes. Et d'Honneur.

 

 

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Published by Manolito
8 mai 2017 1 08 /05 /mai /2017 06:20

Cette élection, personne ne l' avait prévue. Il a marché. Marché, tout soucieux de son allure. Conscient de sa nouvelle charge. La France avait perdu un de ses plus prometteurs Présidents. Georges Pompidou s'était éteint, plein d'amour pour son femme, la poésie, l'art et son pays. Le Louvre offrit au pays ce qu'il avait alors de meilleur.

C'est au Louvre, sa résidence ministérielle que Giscard d'Estaing a appris, un soir ensoleillé, depuis les terrasses majestueuses, qu'il était élu...un soir de mai 74.

Au Louvre, au moyen-âge, on y logeait des équipages complets. Leur mission, chasser les loups autour de la frêle et neuve capitale du Royaume de France. Les chiens jappaient à l'heure des repas. Les loups n'avaient qu'à bien se tenir.

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Les loups ont pourtant envahi le Louvre. Un soir d'été. Ils ont tant massacré. Un certain 24 août, à la lumière des torches, au bruit des sabots des chevaux fous et des épées meurtrières. Ce soir là, au Louvre, on commit le premier génocide de l'histoire du pays. Henri III aura fait de son corps et de ses troupes, un fragile rempart. Rien ou presque n'arrête le fanatisme. Pas même le corps divin du Roi.

Marguerite de Valois Navarre aura toujours pu sauver son nouvel époux. Henri le Béarnais pourra vivre. Puis régner sur une France encore souffrante. Le Louvre l'aura protégé.

Hier soir, Emmanuel MACRON, fraichement élu, a marché dans une cour où l'Histoire de France a tant semé, tant souffert, tant saigné.

Un soir, au Louvre, on a réveillé un jeune enfant. On l' a sorti de son sommeil, pris dans des bras protecteurs, embarqué dans un carrosse. Les chevaux ont galopé, sous les coups de fouet d'un cocher qui, ce soir là, allait sauver la monarchie. Ce soir là au Louvre, les princes et parlementaires se sont suicidés. Ce petit enfant n'oubliera jamais, qu'une nuit, au Louvre, la Fronde l'aura forcé à fuir. Fuir ce palais où depuis cinq siècles, les rois et régentes faisaient la France. Versailles naquit de cette nuit froide. C'était en janvier 1649. Le Louvre n'aime pas que l'on se départisse de lui.

Versailles était né. Le pouvoir absolu avec lui.

Hier soir, un Président a marché. Marché. Puis s'est posé au pied d'une pyramide pour laquelle François Mitterrand aura bataillé. Tant que peu y croyaient. Transformer le symbole royal en un lieu de culture, aussi populaire que l'on puisse faire de ces pierres. Et de ces pyramides.

Emmanuel MACRON lui aussi aura bataillé. Peu y croyaient. Si peu.

L'Histoire vous observe, Monsieur MACRON. l'Histoire de France. Et sa Culture. Celle là même dont vous disiez, il y a peu de temps, qu'elle n'existe pas...

Le Louvre a tant vécu, qu'hier soir, il a sans doute ressenti cette foule qui l'habitait.

Loin de l'hymne européen que vous avez choisi pour votre entrée dans ce Palais national, ce sont neuf siècles qui, hier soir, vous observaient.

Ne les oubliez pas. Ces neufs siècles furent français.

Avant tout.

 

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3 mai 2017 3 03 /05 /mai /2017 02:40

En ces temps de campagne électorale, on ne parle que de cela. D'héritiers. Comme si chacun serait dépositaire de son sang. De sa famille d'idées, celle originelle. Irrémédiablement réduit à suivre une seule inclination au nom d'une loi, celle du sang. Pas très démocratique comme réflexe. 

Léopoldo Calvo Sotelo a expiré il y a tout juste 9 ans. Le 3 mai 2008.

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Il était un héritier. L'héritier d'une mort.

Celle de son oncle José Calvo Sotelo, assassiné par la milice communiste du Gouvernement républicain espagnol, en juillet 1936, a été considérée par les historiens comme le choc provoquant le coup d'Etat militaire, pas encore "franquiste".

Léopoldo Calvo Sotelo était un héritier.

De l'Espagne nationaliste. Ultra nationaliste même. Son oncle, député, ministre, exilé par la République espagnole avant que d'être amnistié. Puis assassiné par les communistes. Pour avoir simplement dénoncé les massacres menés par la jeune république espagnole contre les religieux.

Léopoldo Calvo Sotelo était un héritier.

De l'Espagne catholique. Ultra catholique. Celle des années franquistes qui avaient érigé un ordre moral et religieux des plus rigoristes en règle nationale.

Un jour de février 1981, cet "héritier" de l'Espagne franquiste, catholique et militaire faillit bien mourir. Il aurait pu être assassiné, comme son oncle. Presque au même endroit. Presque pour les mêmes raisons. Léopoldo était assis aux Cortes, sur le point d'être investi Chef du Gouvernement. Quand un commando putschiste a pénétré dans l'assemblée. Se revendiquant et du Roi et du défunt Franco. Tejero armé a même tiré avec son arme.

Ce jour de février 1981, la logique du sang aurait voulu que Léopoldo se lève et applaudisse les putschistes. Tant ils représentaient l'Espagne qui l'avait vu naître, dans laquelle il avait été élevé, baptisé, consacré. Léopoldo aurait du, en toute logique sanguine, se rappeler que son oncle avait été sauvagement assassiné par la République, les communistes quand il avait tout juste 10 ans.

Ce jour de février 1981, l'héritier d'une Espagne où Franco était Dieu a pourtant tourné les yeux ailleurs. Léopoldo a du sentir son sang s'agiter dans ses veines. Il aurait pu renverser la toute frêle monarchie démocratique et son jeune roi. En toute logique...d'héritier.

Mais Léopoldo n'a pas cillé. Il s'est levé certes. Mais pour invectiver Tejero. Et lui rappeler que Franco était mort et que seul Dieu (pour ceux qui y croient) et le Roi (pour tous) régnaient en Espagne. Non plus un dictateur.

Léopoldo, ce 23 février 81, a pris à témoin toute l'Espagne. Puis il s'est rassis. Et a laissé les institutions démocratiques faire leur oeuvre.

Deux jours plus tard, Léopoldo Calvo Sotelo était Chef du Gouvernement. Il y demeura près de deux ans. Deux années où il fut le chef d'orchestre, avec Juan Carlos, de l'affirmation d'une Espagne démocratique où les libertés individuelles n'avaient jamais été aussi garanties.

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Léopoldo Calvo Sotelo a expiré il y a 9 ans. Trois jours plus tard, il "inaugura" la cathédrale de l'Almudena. Il fut le premier chef de Gouvernement à y recevoir l'honneur de funérailles d'Etat. Sous les yeux brouillés de larmes d'un Roi qui se sentait un peu orphelin. Et de toute une Espagne qui comprenait alors tout ce qu'elle lui devait.

Tâchons ce soir, lors du débat, de penser à Léopoldo Calvo Sotelo. Regardons ces deux candidats, écoutons les.

Sans jamais oublier qu'en politique, un héritier cela n'existe pas.

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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 07:03

Au rang des meilleurs communicants de cette campagne électorale si folle, Jean-Luc Mélenchon aura obtenu le Grand Prix. Savoir réunir tant de masses, transformer une contestation de gauche radicale en une insoumission "française". Mélenchon a compris le fond du problème.

La Palme d'Or sera décernée à Marine Le Pen. Son affiche du second tour de la présidentielle est sans doute la meilleure de toutes vues depuis tant d'années. Tellement parfaite que je m'en suis procuré un exemplaire. On pourra disséquer cette affiche dans les amphis de Sciences Po. Et l'on y passera des heures, tellement elle sonne juste au diapason des techniques de communication politique. "Choisir la France", le slogan, comme la "France insoumise" met clairement en exergue le nouveau point de fracture. Identitaire.

Il n'y a de communauté que soudée. Dans sa diversité. La France s'est construite ainsi. Richelieu et Louis XIII l'avaient compris. Leurs successeurs, Mazarin et Louis XIV aussi. Pour faire un, un pays doit être lié. Par des principes, des valeurs, des repères. Une identité. Diversité et fusion. l'Edit de Nantes avait redonné au Royaume sa paix religieuse. Quelques temps.

La Révolution elle-même avait érigé le concept de nation, en remplacement de celui du corps divin. Il n'y avait plus de Roi à la tête, ni de vassaux aux bras. Plus de serfs. Mais une communauté unie, au nom du double principe de la souveraineté partagée et de l'égalité des citoyens entre eux. La République pouvait vivre ainsi. Diverse, mais unie. Identifiée et donc collective.

Bon an mal an, tout cela a tenu. Malgré les crises et quelques, rarissimes, parenthèses. Vite effacées. Parce que la Nation, même contestée, reprenait l'assaut des consciences, individuelles et collectives. La Libération en fut une preuve éclatante. Tout comme 1958.

Depuis 8 jours on crie au désastre à venir. Marine Le Pen est en lice pour la présidence. Pourquoi ? Parce qu'elle a compris, comme Mélenchon, qu'un peuple ne peut exister que tant qu'il a un lien.

Le vote front national n'est pas un vote raciste. Encore moins antisémite. Les parallèles historiques sont stupides parce qu'anachroniques. Ils ne servent qu'à se faire plaisir. Se donner bonne conscience.

Ce vote fait peur à certains. Il en réveille d'autres. Pas les bons sans doute.

En 2005 on a bafoué le Peuple. Il avait voté non. On lui est passé dessus. A l'époque, j'avais été dubitatif mais sans plus. Et pourtant que n'a-t-on fait ce jour là...

Dans une Union européenne qui n'assure plus même ses propres traités, qui n'a rien à proposer comme socle social sinon une rivalité économique organisée et même judiciarisée entre ses propres Etats membres, les peuples se rebiffent. Le contraire serait étonnant.

Cela n'explique pas d'ailleurs le score du Front National. Non.

C'est bien le renoncement d'une certaine élite mondialisée au concept de nation, de communauté et d'identité qui alimente ainsi, depuis vingt ans, le vote FN. Le Peuple n'est ni raciste, ni xénophobe. Il a simplement besoin d'unité pour exister, se lier, et dépasser la diversité qui compose chaque communauté.

En renonçant à ce double principe de nation et de souveraineté populaire, la classe politique de gauche comme de droite a cassé le lien qui reliait l' Etat au Peuple souverain. Chevènement et Pasqua l'avaient bien compris. Mélenchon et Le Pen aussi.

Il serait temps que d'autres y songent ardemment. Et se rappellent d'ailleurs que la Nation érigée en socle identitaire collectif un matin de 1792 n'était ni raciste, ni xénophobe. Bien au contraire.

 

 

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28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 04:46

Jeudi soir, la vie politique française aura été marquée par un évènement. Inattendu.

Pierre Lellouche était sur France 5. Il a tiré sa révérence. Dignement. Sans chichi. Avec un regard lourd et des paroles qui faisaient froid dans le dos. Sans fard, le député de Paris rarement avare de mots cinglants en a délivré quelques uns. Patrick Cohen en a été pour ses frais. On a souri, un peu, tant France Inter nous gonfle depuis des années avec ses matinales mi burlesques mi sérieuses où l'on ne compte plus les idées reçues, trop nombreuses, et les idées réfléchies, trop absentes.

Lellouche a pesé ses mots. Ils étaient sans appel. Même Cohen n'a pas su quoi répondre. Les mots, quand ils sont bien posés,ont un sens.

Sur la scène politique, qui plus est en campagne électorale, bien parler c'est exister. Macron qui a lu, beaucoup lu, le sait. Il manie le verbe plutôt aisément. C'est même son talent d'orateur qui m'avait tant marqué, en décembre, lors de son premier meeting de campagne. (http://lacampagne.over-blog.com/2016/12/le-navire-etait-beau-le-capitaine-aussi.html)

Faire vivre une candidature c'est aussi savoir bien parler. Encore faut-il savoir à qui.

Mercredi soir, à Arras, dans cette ville qui m'est si particulière, Macron a crié, crié, crié qu'il ne voulait "pas ça ! pas ça ! pas ça !". Le candidat visait l'extrême droite, le Front National, Marine Le Pen, sa concurrente dans cette dernière ligne droite avant le 7 mai.

Pas ça, soit. Si Macron n'en veut pas, nous non plus. Encore faudrait-il convaincre d'autres que justement les convaincus. Par des mots qui portent et non par des invectives au doux son mais qui sonnent si creux qu'on se demande parfois qui, chez les indécis, les entendra.

Il parait que sur TF1 hier soir (désolé, j'ai préféré un film avec Cluzet), Macron a parlé des attentats de l'OAS...en y assimilant le FN.

Que les milieux issus de l'Algérie Française aient été parmi les courants (très divers) qui ont contribué à la fondation du Front National, reste que le FN n'existait pas avant 1972...De Gaulle était déjà mort, naturellement, depuis deux années.

Les mots ont un sens. l'Histoire aussi, à condition de ne pas faire fi de sa chronologie.

Parler c'est souvent se dévoiler. Encore plus dans cette société médiatisée à outrance. Qui plus est quand on est candidat.

Mercredi les mots sont sortis. Et là j'ai blêmi. Comme rarement durant cette campagne folle.

Marine Le Pen toute auréolée de sa qualification au second tour est allée sur les barricades. Mélenchon exit, la leader du FN lui a repris le flambeau de l'industrie mourante. Avec succès. Et face à cela, qu'a-t-on vu ? Un Emmanuel Macron venant dire aux ouvriers amiénois que l' Etat les accompagnera pour les former...après leur licenciement.

Pas un mot sur l'Europe qui crée, objectivement, un vaste marché de concurrence entre Etats membres. Une Europe qui n'a rien à proposer contre les délocalisations internes. Pis que l'Europe, Macron a répondu qu'il avait "pris son risque", en démissionnant de la fonction publique pour se lancer en campagne.

Allez expliquer à un ouvrier de 53 ans qu'un type diplômé de l'ENA âgé de 39 ans et qui dispose d'un cursus et d'un parcours professionnel aussi rares que bien payés puisse être comparable à lui, le pauvre ouvrier qu'on va licencier au nom d'une recherche de marge financière ! C'est indigne. Presque ignoble.

Les mots ont un sens. Encore faut-il les mesurer à l'aune de son interlocuteur !

Mercredi, en voyant cela, je me suis dit que décidément, si Marine Le Pen accédait à l'Elysée le 7 mai prochain, ce serait sans doute pour cela. Pour des mots. De simples mots.

Quand la République n'a plus que cela à proposer, de simples mots face à une souffrance humaine réelle, elle est sans doute mal engagée. Presque indigne.

Hier soir, devant les déclarations de Macron sur la société multiculturelle qu'il promeut fièrement, Pierre Lellouche a mis en garde: "tout cela est beau, mais n'oubliez pas que de nombreux français qui souffrent n'en veulent pas. Faites attention...".

Les mots ont un sens. Les images aussi. Et certaines pourraient faire mal, dans les urnes, le 7 mai prochain. Le match n'est guère joué.

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26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 05:53

Agacé un jour par un interlocuteur qui conspuait Mussolini et "le fascisme", je lui avais répondu sèchement que "les Juifs en Italie, au moins, n'ont pas été livrés au Reich..." rappelant que de l'autre côté des Alpes, à la même période, Vichy livrait hommes, femmes et enfants ayant le malheur de partager la confession juive.

Oui, des catholiques français ont bien protégé des juifs en France. Et d'autres d'ailleurs, tant la foi n'a que peu de chose à voir avec l'humanité et la compassion de l'être humain face aux plus viles exactions.

 

Reste que le poids de l'Eglise catholique, en Italie, dans une lutte souvent feutrée, mais ô combien tenace, contre la volonté totalitaire du régime fasciste, a porté de puissants fruits et évité nombre de morts. Au point qu'à sa mort en 1958, Pie XII avait été salué pour son action dans la protection des populations de culture juive pendant la guerre. Golda Meir reconnaissante, c'est l'Etat d'Israël tout entier qui s'inclinait.

Chose intéressante d'ailleurs: c'est un point commun trop souvent oublié avec le régime de Franco qui, de son côté, fit de même.

C'est d'ailleurs dès 1929 que Mussolini a vu (sans comprendre ?) les premiers remparts à sa volonté de toute puissance. Par les Accords du Latran, ceux là mêmes qui reconnaissaient la souveraineté du Pape sur ses Etats pontificaux, le régime mussolinien venait de se tirer une balle dans le pied gauche..tout en s'amputant d'au moins un bras.

Car une fois signés, ces accords ont permis à l'Eglise catholique de mener ses affaires sans que le régime fasciste ne puisse plus rien y voir. Et c'est ainsi que les couvents, monastères et ceux qui y vivaient, ont activement oeuvré pour contrer la volonté de toute puissance du gouvernement fasciste. Jusqu'à provoquer sa chute, avec l'appui décisif de l'aristocratie catholique en 1943.

A reprendre les cartes électorales de ce premier tour des présidentielles, on ne peut qu'être frappé par la répartition des deux votes. Macron à l'Ouest, Marine Le Pen à l'Est.

Or, force est de reconnaitre que cette segmentation correspond presque exactement à la séparation entre la France de prégnance catholique assumée et celle bien moins empreinte de cet héritage religieux.

L'ouest de l'hexagone a longtemps été marqué par un vote politique où l'identité religieuse a pesé. Depuis les guerres de Vendée jusqu'aux bastions centristes clairement issus du catholicisme social. Le syndicalisme d'ailleurs y est, lui aussi, profondément issu des courants chrétiens de la JOC ou de la JAC.

Il y aurait ainsi un certain vote sinon catholique, au moins chrétien, qui par sa pondération, inclinerait à choisir une voie rejetant les extrêmes. D'où qu'ils viennent.

Reste qu'hier "Sens commun" a appelé à voter "contre Macron". Hypocrite formule qui sous entend voter en faveur du Front National, donc d'un des extrêmes...

A l'opposé, la Conférence des Evêques de France a lancé, depuis son siège avenue de Breteuil, un appel au discernement des électeurs dont on comprend de façon à peine sous-jacente qu'elle exprime une défiance claire à l'égard du Front National.

L'Ouest de l'Hexagone semble y avoir clairement répondu dès dimanche. Quant aux autres régions...

La France n'est pas l'Italie fasciste et nous n'avons plus de Gardes Suisses aux portes de l'Elysée...

Pauvres de nous !

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22 avril 2017 6 22 /04 /avril /2017 06:41

Enfin ! Voilà un peu le soulagement en ce samedi matin. Comme des pèlerins apercevant St Jacques de Compostelle après des jours passés à marcher, à souffrir. Les Croisés eux mêmes, devant les murs de Jérusalem expirent aussi après leur chevauchée. Nous y voilà...

 

Nous étions sortis de l'automne dans un brouhaha rarement atteint. Les primaires des deux grands partis avaient éclos devant l'inattendu: François Fillon ressuscité d'on ne savait trop où et un Benoît Hamon aussi étrange comme candidat d'un parti socialiste aux abois.

Mais il s'en est passé depuis !

S'il est bien difficile de pronostiquer le résultat du premier tour qui se tiendra demain (même si celui qui écrit ici a bien plus de certitudes qu'on ne le dit sur le vote figé), il est déjà temps d'analyser les stratégies des candidats.

Une chose est sûre: on aura beaucoup ri !

Grâce à Fillon, Poutou, Hamon. Ce trio aussi divergent dans sa composition aura livré quelques bons moments. Un ancien Premier Ministre qui présente des promesses à l'opposé de ce qu'il fit lui même durant 5 ans à Matignon; un candidat ouvrier qui renvoie Marine Le Pen à ses 4 vérités; un "petit Benoît" qui débarquait sur les plateaux télé avec un air d'enfant qui expliquerait à ses parents pourquoi il va révolutionner la société..tout seul, avec ses jouets et sa peluche.

On aura aussi écouté tant de discours. Comme jamais !

Les détracteurs des télévisions d'info continue ont tort. Jamais elles n'ont rempli autant leur rôle au service des électeurs. Brillamment, BFM a assuré la retransmission des meetings de nombre de candidats, permettant au citoyen d'écouter chacun des prétendants, de se confronter à leur programme, leur vision, participant ainsi à la détermination, individuelle tout autant que collective, du vote de demain. Quand la télé, si critiquée, oeuvre dans l'intérêt démocratique d'une lutte contre l'abstention, ce renoncement à la vie publique.

Il y aura sans doute un avant et un après 2017 dans le rôle des médias.

On aura aussi vu des stratégies de campagne: pitoyables pour la plupart des candidats !

Au rang des plus mauvais stratèges de la communication politique: François Fillon et Benoît Hamon. Encore eux...

Englué dans une campagne de presse qui l'a placé en face de ses propres contradictions, l'ancien Premier Ministre aura choisi tour à tour 3 axes aussi contradictoires que dangereux: le silence d'abord, impossible à tenir dans une société aussi médiatique. Puis l'attaque mal organisée au risque de se mettre à dos les grands organes de presse. Enfin, le raidissement idéologique jusqu'à braquer son propre camp rétif à ce rapprochement avec l'aile catholique la plus conservatrice.

Hamon n'a pas fait mieux. Avec un côté ridicule que n'avait pas atteint Fillon. Le candidat du PS a lancé des idées, puis n'a jamais su les expliquer. Au point d'y renoncer, en tout cas de ne plus oser en parler. Quitte à continuer à parler d'un nouveau modèle de société, mais aux relents tellement passéistes que personne n'y croyait plus.

Et pendant ce temps là, tels des comètes que l'on avait pas vues venir, Mélenchon, Macron et Le Pen ont mené la danse. 3 visions, 3 combattants, 3 audaces.

L'une d'elles sera-t-elle le chemin de demain ? Difficile à dire.

Les pèlerins sont au pied des murs de Jérusalem. Que trouveront-ils une fois franchies les portes ?

Dieu seul le sait.

 

 

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