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28 décembre 2023 4 28 /12 /décembre /2023 06:44

La faucheuse avait à  peine quitté la côte vendéenne qu'on apprenait hier soir qu'elle avait ramassé Delors en passant par Paris. Le 27 décembre elle choisit peu mais elle choisit haut. En 1923 le même jour, elle avait embarqué Gustave Eiffel. 

Disons le, pour une fois la Une du Monde et sa cinglante phrase en exergue correspondent un peu à mon sentiment. Un goût d'inachevé, un regard pas hostile, point du tout. Juste un manque de frisson. Un plat en sauce sans sauce. Quand Alain Juppé mourra, on sera plus touché. C'est dire. 

Voilà ce que fut sans doute Jacques Delors. Le meilleur d'entre les gauches. 

Une tête bien faite, une vision de demain. Mais sans l'incarner. Sans la faire ressentir. Ce qui distingue les faiseurs des conquérants. Malraux avait des deux. C'est rare. 

Il fit de la CFDT ce qu'elle devint. On saluera cette œuvre à laquelle j'ai participé bien plus tard. 

Il fit de "la Nouvelle Société" ce qu'il advint de son leader, Chaban, une comète vite passée dans une présidence pompidolienne vite effacée aussi par la faucheuse. Un moment d'audace, celui-là. Bref. Inattendu. Vite disparu.

Certains diront qu'il tint les cordons de la bourse et des Finances durant 3 ans au début de l'ère Mitterrand. Soit. Mais à l'époque déjà, l'Histoire avait choisi Rocard dans ce bras de fer entre communistes et réalistes. L'incarnation exige fougue et non platitude. 

Hier soir, à un ami, je disais que Delors ne m'avait jamais fait frissonner. Un catholique plus protestant que Jeanne d'Albret sans doute; ça vous cadre les choses, ça organise, ça gère. Mais ça n'en fait pas l'Histoire. Henri IV l'a montré bien plus que sa mère.

Et puis il y eut ce soir de décembre 1994. Ce soir où la jeune Anne Sinclair le reçut. Toute la France agrippée aux lèvres de Delors. Attendant, attendant qu'un souffle sorte au micro. Candidat ou pas ? Celui qui devait connaitre la réponse, qui a du se délecter de voir son peuple presque transi, patientant presque fébrile de savoir, c'est Mitterrand. Le vieux Sphynx comptait les jours qu'il lui restait à présider. Dans une fin de règne aussi crépusculaire que majestueuse. Lui savait incarner.

Lui savait mieux que d'autres sans doute, que Delors n'irait pas. 3 fois son ministre avait refusé de prendre des postes. Plutôt d'aller à la bataille. C'est ainsi que faute de Delors, on envoya François Hollande combattre Chirac en Corrèze. 

Ce soir là, Mitterrand devait sourire. Il savait que ce Delors gérait, administrait, mais n'incarnait pas. 

N'est pas Talleyrand qui veut.

 

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27 décembre 2023 3 27 /12 /décembre /2023 05:46

L'année s'achève et comme depuis quelques réveillons approchant je me disais que la mort frapperait bien vers le parc de Montretout, éventuellement à La Trinité. Mais le vieux lion qu'est Jean-Marie Le Pen n'en finit pas d'enterrer les autres. Il faudra alors écrire pour l'occasion. Et bien. 

Mourir aux Sables d'Olonne. Voilà bien un titre pour le prochain papier de Pascal Praud, sa ville de vacances, d'enfance, d'où il se ressource en nostalgique d'une certaine France, celle d'avant 68. 

Jean-Edern Hallier lui n'avait pas eu droit au sable de Deauville quand la faucheuse était venu le prendre. Le bitume sur la gueule, tombé de vélo, suffisait à son œuvre.

Hier 26 décembre, c'en est un autre, presque inattendu qu'on a dérobé aux débats des temps actuels. Patrick Buisson.

On se souviendra encore longtemps du face à face osé que David Pujadas avait presque offert à son mentor, c'était sur France 2 quand son JT avait encore quelque exigence éthique. Quand il offrait du journalisme, c'est à dire l'insatiable recherche du non dit. Ce soir là l'élève avait poussé le maître dans ses retranchements. Buisson se révélait avec ses micros cachés à l'Elysée. 

Je me suis toujours demandé comment Henri Guaino, conseiller spécial de la présidence Sarkozy, avait pu tolérer la trop grande présence dans l'ombre de Buisson. Remarquez que Charasse et Bérégovoy n'avaient pas du être plus grands larrons en foire...

Hier donc, il parait que l'extrême droite a perdu une référence. Pour sûr, les étudiants ( de tous bords) vont dévaliser les bibliothèques à la recherche de son oeuvre sur la sexualité des françaises sous Vichy. Il fallait bien un certain cerveau pour publier sur un tel sujet et parvenir à en faire une référence mondiale. 

Buisson n'avait pas la fougue verbale comme Guaino ou Charasse. Il n'emportait pas son auditoire dans des fiévreuses charges épiques. Son charme c'était le cinglant, la phrase sèche, presque comme une prophétie qu'on assène de désespoir. 

En cela, il collait bien à ce courant de la droite de la droite. Elle qui a tendance à voir le jugement dernier à chaque carrefour mal éclairé qu'elle traverse. 

Depuis hier, Libé et d'autres dépeignent l'idéologue de l'alliance des droites. Celui qui aurait amené le Rassemblement national aux portes du pouvoir. Tresser à sa sauce les lauriers de la honte selon le logiciel d'une néo gauche qui a elle-même renoncé à ses origines fondatrices est bien un truc de notre temps. 

Vingt ans que je ne lis plus Libé pour cela. 

On relira par contre "La Cause du Peuple", magnifique et jouissif presque journal de la présidence Sarkozy. On ira sans doute un jour dénicher sur Amazon ou ailleurs d'autres ouvrages aux titres sulfureux sur l'OAS ou autres combats d'un autre temps. 

Mourir aux Sables avait une certaine logique pour Buisson.

Continuer à le lire sera la nôtre. 

 

 

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5 février 2023 7 05 /02 /février /2023 06:37

Trois jours de la commission des affaires sociales à plancher sur le projet de réforme des retraites qui furent tantôt sérieux, tantôt burlesques. Pour le sérieux on aura retenu quelques élus centristes, et même, même, des élus de la NUPES, de LFI et d'ailleurs. Dans cette NUPES, les communistes même finissent par ressembler à des sociaux-démocrates. 

Pour le burlesque et l'inutile, Sandrine Rousseau aura de nouveau confirmé son rôle de clown. André SANTINI faisait rire, mais avec talent. Les années passent.

Ce lundi donc, c'est dans l'hémicycle que le texte arrivera. 

Et voilà que subitement, nous saurons. 

Les plus vicieux chercheront donc à savoir si Olivier DUSSOPT défendra cette réforme, ou si ses lithographies annonéennes l'auront renvoyé au banc des Ministres à écouter la Première Ministre.

Les plus exigeants scruteront, quant à eux, pas même la NUPES, mais bien La France Insoumise. 

Chez LFI, moins de clowns que chez les écolos. 

Quelques lumières même. Mais Ruffin et Coquerel ne sont que deux.

En sortant du chapeau le 47-1, le Gouvernement nous offre ainsi la première véritable occasion de jauger ce qu'est vraiment LFI. Un marécage d'idiots utiles, ou une opposition déterminée à prendre ses responsabilités. Jusqu'au bout.

A droite, on aurait dit, soit Boulanger, soit d'Enghien. 

Nous saurons donc si les 20 000 amendements déposés n'étaient qu'une volonté, admissible, de jouer un rôle, ou la fuite en avant d'une irresponsabilité fautive. Offrant ainsi un piédestal au Rassemblement national pour 2027.

Le 47-1 sera ainsi une vraie lumière. Digne du Jugement Dernier.

Car avec le 47-1 pas de vote nécessaire pour la mise en œuvre de la réforme par le Gouvernement si les députés ne parviennent pas à voter avant le délai fixé à la Constitution.

Autant dire que l'obstruction dont se revendiquait, a minima Sandrine Rousseau, relève sinon de la fumisterie intellectuelle, au moins de l'irresponsabilité folle. Folle car aux impacts délétères a court terme sur l'opinion.

LFI devra donc, quant à elle, se montrer sous son vrai jour. Tel le toro au picador. Fuyant de lâcheté, ou chargeant au cheval. Non des amendements mais du vote.

La non tenue du vote par la volonté de l'opposition servirait et le Gouvernement, et d'autres. 

LFI a déjà annoncé qu'elle abandonnait ses propres troupes en refusant de voter la motion référendaire déposée par le RN. A croire que des millions de Français valent moins que 88 députés, soient-ils d'idées opposées (ce qui reste d'ailleurs à démontrer sur ce texte au moins).

Reste à savoir si, par pure idéologie et dogmatisme, les Insoumis empêcheront aussi le vote de se tenir dans le délai constitutionnel.  Validant alors la mise en œuvre de la réforme qu'ils disent combattre.

Ce serait trahir une seconde fois leurs propres électeurs. Et prouver leur périlleuse inutilité. 

Le Jugement est proche...

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12 février 2022 6 12 /02 /février /2022 07:56

De ce quinquennat macronien, parfois stupéfiant d'audace, le plus souvent factice de prétentieuses idées - quand elle ne furent pas pur dédain pour le citoyen - il faudra un jour tirer un bilan. Trop tôt pour l'heure.

Il y a un temps pour tout. Il convient de ne jamais brusquer l'Histoire. Elle a son rythme propre. Ses exigences.

De l'autre côté de la Seine, le Palais Bourbon lui aussi voit un cycle s'achever. Calendrier électoral oblige, les 577 députés voient expirer leur mandat. 

De cette Chambre, on aura tout dit ou presque en 5 ans. Il faut dire qu'elle n'a pas chômé, tant la crise sanitaire lui aura apporté projets de loi d'urgence, commissions mixtes paritaires et débats enfiévrés. 

Jusqu'au pass vaccinal, peut-être l'erreur finale de ce premier quinquennat.

De ces 5 ans à suivre le Parlement, le Sénat aura bien joué son rôle et nous aura délecté d'une commission d'enquête sur l'affaire Benalla menée d'une main de maître par Philippe BAS.

Mais au beau milieu du gué, lorsqu'il fallut franchir les longs mois de crise sanitaire, c'est bien à l'Assemblée Nationale que l'on vit apparaitre deux étoiles.  De deux galaxies opposées. 

Béziers nous avait envoyé Emmanuelle. 

Amiens nous avait offert François.

Emmanuelle MENARD et François RUFFIN n'ont rien en commun.

La première milite pour une union des droites décomplexée, pour une France plus judéo-chrétienne que la vieille ville de Jérusalem sous Beaudoin IV. Le second pourfend les exploiteurs, la haute bourgeoisie faite de finance et de mépris pour le bas peuple. 

Emmanuelle et François ne doivent pas se croiser souvent et ne gouverneront jamais ensemble. Pis, ils se font face au Parlement. Hémicycle marqué par l'Histoire d'un jour de Révolution où deux camps ont pris place et n'en bougent plus depuis. Chacun à l'opposé de l'autre. Deux extrêmes diront certains. 

Deux talents.

La droite de la droite n'en offre pas souvent. Ou alors quelques intellectuels que l'on savoure au soir tombant, dans des livres aussi passionnés que brûlants. 

Loin du tohu-bohu classique d'une opposition extrême vociférante et parfois hargneuse qui ne donne guère envie, Emmanuelle aura redonné de nobles couleurs au mandat de Député(e). Que l'on aille à la Messe ou pas, un sermon bien fait s'écoute, s'analyse, se discute. La députée de Béziers aura brillé par sa clairvoyance sur tant de sujets, sans jamais tomber dans la facilité d'une prise de parole qui cherche le petit mot. 

Elle aura passé des nuits entières sans rien lâcher. Non pour cogner. Mais pour poser. Poser des questions. Poser les questions qui méritaient qu'on s'y attarde un peu. Rarement l'on aura entendu un parlementaire aussi exigeant dans ses analyses et ses interrogations lancées au Gouvernement, non pour qu'il y réponde. Pour qu'il y réfléchisse. Souvent en vain. La facilité est le réflexe des paresseux.

A l'autre bout de l'hémicycle, le bruit et la fureur mélenchoniste auront eux aussi laissé place au brio. 

François RUFFIN était attendu. Connu avant que d'être élu, le député de la Somme se devait d'être à une hauteur espérée. 

La France Insoumise aura bien eu besoin de François. Après les esclandres, parfois violentes de ses chefs, devant caméras et contre magistrat, LFI semblait être devenue une bande de brigands et de ripailleurs. Sans classe ni éthique. Le vide après le rouge.

François RUFFIN aura sauvé son camp. Contre vents et marées.

Sans doute mis sur le banc de touche à plusieurs reprises au cours de la mandature, la crise COVID l'aura ramené en première ligne. RUFFIN aura chargé. Sans drapeau ni armée. Sinon celle de tous les jours. Des caissières de supermarché, des ouvriers d'usine et des "gens qui ne sont rien" mais qui vivent dignement tant l'argent ne fait pas l'honneur.

François RUFFIN aura détonné dans son camp. Un camp qui, comme l'ultra droite, ne sait que trop souvent s'exprimer par la hargne et l'invective. Sans autre effet que les cris et les slogans. Sans se poser. Sans analyse. Sans avenir.

RUFFIN aura presque détrôné le leader MELENCHON. Mais sans jamais tomber dans ses écarts, nombreux. Le député de la Somme aura su raviver sur les bancs de l'Assemblée Nationale le peu de conscience sociale qui devait encore subsister dans les cerveaux des députés marcheurs. On aura même cru à certains instants que chez eux, certains se lèveraient et applaudiraient. Juste parce que RUFFIN aura parlé des gens, des vrais gens, des sans grade et des oubliés.

De cette mandature législative il sera toujours temps de dresser un bilan. Il sera ce qu'il sera. Quand l'Histoire aura dit son Jugement.

Et s'il n'en restait rien, il en restera au moins ces deux là. 

Et c'est déjà beaucoup.

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10 décembre 2021 5 10 /12 /décembre /2021 03:18

Hier soir, Zemmour était sur France 2. Hidalgo sur LCI. On a opté pour la seconde. On savait qu'on allait rire. Et ça n'a pas loupé. 

Au rang des amusements de cet hiver naissant, Anne Hidalgo pourra se targuer d'avoir réussi à faire rire sur son cadavre politique. Chose assez rare tant il y a lieu, pour qui que ce soit de touché par une mort certaine, de préférer au mieux un hommage discret, au pire un recueillement drapé de dignité. 

La Mort frappant, on se souvient. Se souvenir des belles choses, de l'enfance passée onze années durant à découvrir la vie là où le Parti Socialiste régnait en maître. A courir ou faire du vélo sur les trottoirs d'Arras. Je suis né à la vie à 100 mètres des "Faucons Rouges", ce grand café bordant le Parc du Rietz attenant au siège de la fédération PS du Pas-de-Calais. Le maire d'Arras, lui même successeur de Guy Mollet, sentait encore la SFIO d'antan, mâtinée de Mitterrandisme - alors au phénix- et l'on vivait ainsi, dans l'un des quartiers les plus socialistes que la France ait connu. Sans doute, ni crainte. Le PS gouvernait. Mitterrand présidait. Nous vivions heureux. 

Trente ans ont passé. 

Trois décennies et le soir venant, entre deux tweets, on regarde le PS ou plutôt sa candidate... pour se divertir.

La veille, sur TF1, on avait entendu Hidalgo demander une primaire de la gauche. A 4 mois d'une élection, après 4 mois de campagne. On était restés cois. Bouche ouverte. Une mouche passait. Les chats voyaient des souris voler dans le salon. Hidalgo se suicidait en direct. Et le PS avec.

Hier soir jeudi, vingt minutes. vingt minutes à trépigner des derniers soubresauts d'un cœur exsangue. vingt minutes à répéter 5 fois, dix fois, vingt fois (on a arrêté de compter) "le train est parti, le train est parti". J'ai demandé à mon épouse si Hidalgo ne lisait pas les Mémoires de Maurice Papon, tant les trains avaient l'air de la bloquer. 

Quand sa candidature avait été annoncée je m'étais demandé si le PS savait ce qu'il faisait. Remarquez qu'après l'aventure Royal on pouvait s'attendre à tout du côté de feu Solférino..

Hier soir donc, des trains qui défilaient. Mercredi, la veille, des souris qui volaient. A ce rythme là, la présidentielle se jouera dans une cour d'hôpital psychiatrique. 

Hier matin je suis allé vérifier une info que j'avais vu passer. Cela semblait trop gros pour être vrai. Mais non, ce sont bien 7,2 milliards d'endettement que se traine la Ville de Paris. A croire que le dernier comptable de la capitale s'en est allé avec les Tiberi. 

Hidalgo s'en est allée au front pourtant. Fière et hardie. Pour le Pays. Présidentiable à 2 sous d'un parti qui ne se reconnait plus lui même. La tragédie avait sans doute couvé depuis longtemps. Elle éclate au grand soir d'une campagne électorale dont Zemmour et Macron sont, pour l'heure, les deux seuls flambeaux certains. Pour le reste, l'incertitude règne. 

Seule certitude, le PS n'est plus. Mélenchon lui même, mange tranquillement ses spaghettis. Et s'en vante.

Et les trains passent, passent et défilent sur un quai de gare. Montez dedans s'évertue à crier Anne Hidalgo. 

Laissons les donc filer. Eux avec elle. 

A Arras même, le PS n'est plus à la mairie depuis 26 ans.

 

 

 

 

 

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19 novembre 2020 4 19 /11 /novembre /2020 09:57

Quarante huit heures de fébrilité et de fièvre. On sortait d'un week-end des plus désagréables à se battre contre ce qui ressemblait à une pernicieuse attaque de la COVID 19. Le paracétamol n'y faisant rien, j'avais opté pour peignoir et pyjama devant Netflix. 

On aura annoncé durant tout ce week-end le fameux procès DAVAL. 

On aura attendu. Sans trop d'illusion. 

On peut aimer les affaires de justice, surtout quand, comme moi, on a vu un certain nombre de cadavres, d'enfants hurlant de leurs souffrances infligées, de femmes droguées retrouvées gisantes dans un cloaque, de longues gardes à vue et des cellules puantes; la face la plus glauque de notre monde deshumanisé. 

Alors, on attendait l'ouverture de ce procès pour le lundi. Comme par miracle, un lundi matin débarrassé de fièvre. La Covid 19 avait déserté le champ de bataille. Vaincue sans doute. Ou lasse de ne pouvoir s'emparer du bastion, partie ailleurs chercher une meilleure prise.  Le Krak ne se rend pas ainsi.

Lundi donc, voila qu'un ami me signale qu'un type va secouer le petit oiseau.

Twitter, je n'ai jamais aimé. J'ai essayé plusieurs fois. Renoncé autant. Twitter c'est un peu entre le marécage et la basse cour. On s'y enfonce les pieds de son propre poids irréfléchi, on s'y enlise et l'on s'y croit à l'aise, entouré d'une foule qui ne fait que jacter. Des oies, des poules. Le degré zéro de la réflexion. Certains aiment se sentir supérieurs. C'est rassurant d'être entouré de cons. 

L'ami insiste pourtant. Alors pour lui, d'abord, j'y retourne. 

Je suis le lien, méfiant, au moins dubitatif.

Je regarde la tête du type sur son profil. On hésite entre un biker de Sons of Anarchy et un métalleux au fond d'une cave d'un bar clandestin. Le type d'ailleurs semble bien atteint. Situation géographique: la Nouvelle Austrasie. On imagine presque le limes et les garnisons romaines faisant face à la barbare Germanie d'outre Rhin. Le Mur du Nord et sa garde de Nuit. Il faut une certaine foi pour s'y fixer. Ou être atteint de folie. 

Samuel GOLDSCHMIDT. Un nom à faire pâlir les derniers nazillons égarés. 

Bref, au profil on se dit que scruter vaudra peut-être la peine. Il y a des aurores surprenantes, parfois.

Twitter est une basse-cour mal rangée. Je n'ai jamais compris comment un logiciel aussi mal foutu dans son ergonomie avait pu autant émerger. Vous me direz que le Louvre au XIVème siècle a bien servi aux Rois...

Alors on est resté sur le réseau. On a placé les paramètres de manière à pouvoir télétravailler sans rien louper, en se disant qu'on verrait bien. En deux heures on aura fait le tour. Sans doute. Peut-être.

Trois jours que j'y suis. Et que je n'ai pas lâché. 

Trois jours que je me lève en attendant les 9 heures et l'ouverture du procès.

Trois jours qui débutent dans une onirique vision. Samuel dépeint les lieux avant que de dépeindre les êtres.

Il tweette avec ses doigts comme d'autres glissent sur un piano, comme pour entrainer l'auditoire dans un bal endiablé, enivrant. Et nous replaque au sol pour ne pas oublier sa raison d'être, sa mission: retranscrire fidèlement le procès. Sans rien omettre d'essentiel.

Les notes s'envolent, et subitement, le piano se tait. Sans prévenir. Et nous revoila face au juge, à l'expert, à l'accusé. Un mot fatidique à entendre, une attitude à ne pas écarter. Scinder ce qui relève du décor d'une Cour d'Assises, de ce qui relève du débat, voire de l'aveu.

On suivra ce procès par Twitter.

Ce matin, devant BFM, le compte-rendu de l'audience d'hier m'a semblé plat, fade, sans intérêt. Non parce que je savais ce qu'il s'était passé hier en Nouvelle Austrasie. Mais parce que sans piano, sans musique, sans vie étaient les reportages et les blablas.

Le grand reporter de RTL a du briller à la radio. Mais je n'écoute pas souvent cette station, hormis parfois le matin. 

On a ses habitudes, même à 40 ans.

Ce jeudi matin, on a repris sur les coups de 9 heures. J'avais décalé un rendez-vous téléphonique. J'attendais le tweet qui lancerait cette journée. Le bal s'est ouvert comme promis. Et l'audience a repris. 

Samuel GOLDSCHMIDT n'est pas le chef d'orchestre du grand œuvre de la Justice. La Cour d'Assises a son Président, et seul lui gouverne au Procès. 

Mais GOLDSCHMIDT retranscrit, relate. En ajoutant aux débats, ce qui fait la magie de ses tweets: une partition, des notes, un son. 

Il y a des musiques qui vous font voir plus que les yeux. Des mots qui scandent plus que la voix.

Samuel GOLDSCHMIDT a transformé Twitter en un roman fiévreux et virevoltant. Redonné au chroniqueur judiciaire sa raison d'être dans ce monde de réseaux sociaux sans charme et sans retenue.

Et le Journalisme retrouve sa raison d'être. Et un petit oiseau aussi.

Là-bas, en Nouvelle Austrasie. 

 

 

 

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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 13:59

Il est loin le temps où, à Strasbourg, on sonnait le tocsin au coucher du soleil. Les portes de la ville se fermaient alors pour la nuit. Le Juif devait quitter l'enceinte urbaine. Persona Non Grata.

Au Moyen-Âge, la France et même l'Europe avaient ainsi trouvé l'utilité du "peuple régicide". Isolé, rejeté ou craint, le Peuple d'Israël servait aisément d'exutoire et d'étranger tout trouvé. 

La crise du COVID, qui ébranle une économie mondialisée rarement humaniste dans ses concepts, semble ainsi nous replonger dans les tréfonds abyssaux de l'âme humaine la plus sombre. Des salauds et des ordures, le monde en a connus. Et il en connaitra encore. C'est sans doute, avec quelques rares espèces animales, l'une des branches les plus résistantes aux changements de tous genres. Les monarchies effondrées, les empires disparus, Dieu lui même remis en cause voire annihilé, il restera toujours la pire pourriture de l'espèce humaine. Celle qui, pour un quignon de pain, un peu d'eau, vous plantera à la Brutus, un soir, au tournant d'une petite ruelle. 

Le massacre des Juifs de Strasbourg, 14 février 1349. Peint par Eugène BEYER.

 

 

Remarquez qu'à ce petit jeu là, le Français aura sans doute de belles chances de médailles. On aime faire saigner dans nos rues et jusque dans nos palais. Pour n'importe quelle idée, n'importe quel concept. Et jusque dans les salons du Louvre.

Au rang des belles saloperies contemporaines, l'Affaire AMAZON en dit long. Sur la bêtise humaine tout autant que sur l'irréflexion collective. Il faudra qu'un jour, un jour prochain (?), l'on prenne le temps, l'on fasse l'effort, de nous pencher sérieusement sur notre responsabilité collective. Pas uniquement celle de Nüremberg ou de Vichy, mais sur celle de nos jours actuels. 

Car la France a désormais son Juif tout trouvé en ces temps de crise sanitaire: AMAZON.

On prononce ce nom comme certains murmureraient le Diable à nos oreilles. AMAZON, l'empire AMAZON. La "Perfide Albion" est toute évaporée. Satan est réincarné en ce géant américain. Tremblez donc !

Les libraires français se muent ainsi depuis quelques jours en Tribunal de l'Inquisition, comme dans l'Espagne d'Isabelle. Le Juif est là: AMAZON. Qu'on appelle à boycotter. Faute de pouvoir aller brûler ses boutiques. Les grands entrepôts logistiques ont cela de bénéfique, ils ne se livrent pas aisément aux cohortes endiablées et puantes de la foule en délire, qu'elle soit nazie ou autre. Nacht und Nebel c'est tout de même moins classieux en pleine zone industrielle...

Comme dans tout délire collectif, il convient de remettre quelques pendules à l'heure faute de pouvoir compter, pour cet effort, sur la raison humaine. 

Les libraires, grands oubliés perdus d'un confinement tyrannique d'un Gouvernement étranger à la culture ? C'est un peu vite oublier que le secteur de la librairie est l'un des très rares champs économiques non concurrentiels. L'idée lumineuse de Jack LANG leur permet ainsi (et c'est tant mieux pour la culture, la production littéraire, l'accès à la lecture) de vendre sans danger. Interdit qu'il est en France de modifier le prix d'un livre. Pas de concurrence, et donc pas de rapport de force entre "petits" et "grands" libraires. 

C'est aussi vite oublier le lecteur. Car après tout, c'est bien de lui que vivent les libraires, les maisons d'édition, les écrivains. 

Trouvez-moi donc un seul "gros lecteur" qui osera vous dire qu'il a lu tous les livres entreposés chez lui. 

Puis demandez lui à ce "gros lecteur" s'il n'a pas relu plusieurs fois un ouvrage. On peut tenir 1 mois, 2 mois sans aller chez son bouquiniste ou son libraire. Ou alors c'est qu'on a chez soi que du Marc LEVY ou du Barbara CARTLAND...

Mais voila, il fallait bien trouver le Juif qui perturbe. AMAZON est bien tombé. Car le géant américain a cela de facile qu'il n'est pas "de chez nous". L'étranger est idéal pour jouer le bouc émissaire. Encore plus pour fermer les yeux sur nos propres lacunes, nos propres échecs français. 

La France, auréolée de deux mille ans ou presque d'Histoire, aura manqué beaucoup. A elle même, peut-être à elle seule. AMAZON, comme YOUTUBE, en sont le plus bel exemple. 

Car la puissance d'AMAZON est d'abord la preuve de nos faiblesses, et de nos erreurs stratégiques. La France, ce pays qui se dit l'îlot doré de la littérature et de la culture, n'aura su développer qu'une enseigne, la FNAC. Au résultat des plus fragiles. 

On aura parié sur le minitel pendant que d'autres misaient sur l'internet. sachons donc faire l'effort de reconnaitre nos lacunes et surtout leurs conséquences. 

On pourra toujours se vanter d'avoir créé DAILYMOTION, jamais cet acteur bien de chez nous n'aura pu faire d'ombre aux YOUTUBE et autres géants des vidéos du web. Mieux, son audience aura perdu 30 millions d'utilisateurs en moins de 5 ans.

AMAZON n'est pas un danger. Il est simplement devenu le seul acteur de la vente de masse en ligne. Sans que nous ne proposions, nous Français, d'alternative. 

Cacher ses échecs.

Nier ses responsabilités.

C'est toute l'utilité d'avoir son Juif.

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8 novembre 2020 7 08 /11 /novembre /2020 08:50

L'annonce par les médias est tombée hier après-midi. Je sortais d'une sieste réparatrice. Hadès, qui m'avait réveillé mercredi en pleine nuit, tout excité pour descendre regarder CNN et les résultats des présidentielles américaines, semblait sans joie. J'ai zyeuté le téléphone, 3 dépêches venaient de tomber. CNN, AP et REUTERS annonçaient la victoire du ticket BIDEN-HARRIS.

C'était donc bouclé. "Enfin" j'ai pensé.

Donald était parti jouer au golf. Et dans les rues de Philadelphie, les partisans démocrates exultaient. C'était le minimum syndical pour eux. La Pennsylvanie, qui abrita la première capitale américaine, venait de renverser les incertitudes des décomptes. Ses 20 Grands électeurs déterminant la victoire finale.

BIDEN-HARRIS sera donc le duo aux commandes. 

J'aurais aimé voir TRUMP gagner, non pour le personnage, mais pour en calmer quelques uns. Las de cet anti trumpisme si énervant, surtout vu de notre côté atlantique. Comme pour OBAMA, KENNEDY, la FRANCE est pleine d'idolâtrie, de discours, d'idées, mais rarement de sagesse. A croire que notre pays est la deuxième CALIFORNIE, toute "démocrate", et qu'elle y abandonne toute réflexion.

Ce nouveau duo a quelque chose d'intéressant. Sans doute même d'utile. 

Joe BIDEN aura au moins un point commun avec son prédécesseur : comme TRUMP en 2016, il accède à la présidence comme Président investi le plus âgé de l'Histoire des USA. Une distinction qui en dit sans doute long sur le parti Démocrate...

Kamala HARRIS, haute de ses 56 ans, Vice Présidente d'un proche vieillard a sans doute pensé qu'avec un peu de chance, elle sera Présidente avant 4 ans. La Vice Présidence sert à ça. Un coup de COVID sur le vieux et le tour sera joué...

Alors les médias français, quasi à l'unisson, se sont lancés dans ce qu'ils aiment le plus. Des propos dithyrambiques sur ce nouveau "couple présidentiel". 

En moins de 24 heures, on a déjà fait le tour du sujet. Mais gageons qu'on y aura droit encore quelques semaines. Espérons que cela ne dure pas 4 ans...

La FRANCE exulte. 

Et l'on se demande bien de quoi. 

Kamala HARRIS est bien la première femme noire à accéder à la Vice Présidence. C'est un peu vite oublier qu'en matière de couleur de peau, Barack OBAMA a fait mieux, bien avant elle.

Barack OBAMA aura tellement fait pour lutter contre les discriminations ethniques, que le Parti REPUBLICAIN et Donald TRUMP ont obtenu en 2016 et même en 2020, des scores quasi historiques chez ce qu'on aime appeler, de chez nous, les "minorités". Espérons, pour les noirs pauvres, que le nullissime bilan intérieur de OBAMA en matière d'égalité et de discriminations n'inspire pas trop Madame HARRIS.

Kamala HARRIS est noire. Oui et alors ? Voila bien la fébrile France, celle-là même qui se veut la terre des Lumières et de l'anti racisme qui use de stéréotypes ethniques ou raciaux pour se féliciter. On croit rêver. 

Kamala HARRIS a surtout été Procureur Générale de l'Etat de CALIFORNIE.

A ce titre, elle détient un record: celui du plus haut taux d'emprisonnement d'afro américains en % de la population californienne (500% !). Pour une vision libératrice des "pauvres noirs", on repassera !

Quant à son action, toujours au Parquet Général de CALIFORNIE, dans la lutte contre la fraude fiscale, n'en parlons pas trop. 3 petits procès 7 ans. les GAFA peuvent dormir tranquilles. Google, Microsoft et d'autres ne sont pas prêts de payer trop d'impôts. Ni là-bas, ni chez nous. 

Ce ticket est donc vu, de notre côté, comme un vieil homme et une noire. 

Ernest, qui ne m'en voudra pas, doit se retourner là où il est.

 

 

 

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7 novembre 2020 6 07 /11 /novembre /2020 06:54

En France, on aime Obama, Kennedy, les belles choses, les mirages. On aime les apparences, et l'on en oublie vite qu'elles sont souvent trompeuses. Telle l'oasis qu'aperçoit le marcheur assoiffé en plein désert.

De la présidence TRUMP qui expire, longuement mais sûrement, le Français crétin, qu'il soit de gauche ou de gauche (en général), dira qu'elle fut catastrophique, honteuse, lamentable. Le Français crétin (de gauche mais pas que) aura vu un clown populiste, pas faux, mais pas vrai. 

Mercredi en pleine nuit, assis dans mon fauteuil, branché sur CNN, les messages whatsapp pleuvaient; en provenance de France, de Suisse, du Canada ou d'ailleurs. On échangeait entre amis sur ce qui sortirait des urnes. Les paris avaient été conclus quelques jours plus tôt. Je croyais encore ramasser 80 euros. Ce samedi matin, même sans annonce officielle, je sais que je les ais perdus. Peu importe. Car ce fut haletant, passionnant, captivant.

A l'image de la présidence TRUMP.

Rappelez-vous les mois passés par le camp démocrate à vouloir lancer l'impeachment. Remarquez qu'en matière d'impeachment, les Démocrates savent de quoi ils parlent, eux qui ont ridiculisé la présidence CLINTON avec une histoire de turlutte sous un bureau présidentiel.. si encore Monica LEWINSKY avait été sexy...

Rappelez-vous l'hystérique Nancy PELOSI, à l'air cadavérique (mais qui tient encore), du haut de son siège de présidente de la Chambre des Représentants, déchirer le Discours sur l'Union, dans une attitude des plus abjectes, anti constitutionnelle et irrévérencieuse. 

Rappelez-vous bon nombre de choses, qui ont émaillé ces 4 ans.

De Donald TRUMP, on pourra dire beaucoup de choses, certaines peu amènes à son endroit. Ce type sorti d'un plateau télé, devenu Président de la première puissance mondiale au nez et à la barbe de l'establishment Harvardien n'aura brillé ni par sa délicatesse, ni par sa culture, juste par sa chevelure toujours plus orange. 

On retiendra notamment qu'il fut d'une pitoyable inconstance dans ses hommes. Diriger la première puissance mondiale ne se fait pas à coups de renvois successifs de ses collaborateurs. En France on les limoge, par communiqués parfois, le plus souvent un soir après un digestif, mais rarement en les jetant en pâture. TRUMP, lui, ne s'arrête pas au protocole, aux traditions. Il aura éructé sur twitter pendant 4 ans. 

Mais on aurait tort de s'en tenir aux apparences. Comme aime le faire presque toujours le crétin de gauche (et pas que).

Car si l'on doit juger un bilan, comme un scrutin, encore faut-il le faire avec un minimum de recul, sinon d'objectivité, en tout cas avec un souci de justesse.

De cette présidence TRUMP, il ne faudrait pas oublier la parole. Une attitude sur laquelle le 45ème président des Etats-Unis a souvent été attaqué. 

Et pourtant...

Donald TRUMP aura tenu parole sur la ligne rouge des attaques chimiques contre les civils syriens. Cette même ligne rouge fixée par OBAMA et que ce dernier a sans cesse repoussée au gré des massacres perpétrés par ASSAD. Pour un Prix Nobel de la Paix, avouez que c'est gonflé !

Donald TRUMP aura tenu parole, ou plutôt porté une parole honnête, sur la nécessité pour l'Europe de grandir, de mûrir. Cette pitoyable Europe qui se plaint sans cesse de la toute puissance américaine, et qui s'indigne quand Washington lui demande de s'armer seule, de s'assumer, enfin, sans s'accrocher aux branches de plus en plus ridicules de l'OTAN.

On est donc assez loin d'une présidence faite de contre vérités, comme on l'entend souvent.

Donald TRUMP aura surtout eu un grand mérite à mes yeux. Celui de rappeler à une communauté internationale endormie, le sens du mot souveraineté. Les Accords de Paris, on en pense bien ce qu'on veut. Reste qu'en droit international, chaque Etat demeure libre de signer, d'accepter ou de se retirer d'un traité. C'est la base même de sa légitimité. Le nier, c'est absurde, et surtout mensonger.

On a attaqué sa présidence jugée isolationniste, paradoxe des paradoxes, venant d'une Union Européenne incapable de s'auto gérer. 

Donald TRUMP a fait mieux que cela, il a senti le monde autour de lui. Au risque d'en user et surtout d'en abuser. Ce monde qui place l'instinct et le réflexe avant la raison et la réflexion. En cela d'ailleurs, le Français de gauche est assez "trumpiste". Il préfère juger en un instant plutôt qu'analyser avant de s'exprimer.

La présidence twitter est à l'image de notre monde.

Donald TRUMP n'aura finalement été qu'un produit de notre temps.

Une présidence à notre image.

Apprenons donc à nous regarder !

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31 octobre 2019 4 31 /10 /octobre /2019 03:46

Vingt ans. Plus que l'Empire. Moins que l'Ancien Régime.

Le week-end dernier, nous étions réunis en Armagnac. Rituel depuis les bancs de l'IEP de Toulouse. Nous ne le savions pas encore, mais non loin de là, au même moment, l'une des figures de ce doux temps se rendait à Dieu. Jean De Quissac, "Monsieur de Quissac" disaient alors les étudiants, par déférence.

Vingt ans ont passé depuis la première rencontre. Je m'en souviens encore, tout jeune alors, fort de quelques prétentions et d'idées illusoires qui font les étudiants. Le premier cours m'avait laissé sur ma faim. Ce fut bien la seule fois avec ce professeur.

Jean De Quissac fut sans nul doute le "monument" de ces années passées à l'IEP de Toulouse. On aura apprécié d'autres "profs", on se sera accroché avec certains (avant de mieux les connaitre), mais au final,Jean De Quissac aura bien été le socle et le bouclier de ce "doux temps".

Il y avait eu, quelques deux ans avant notre arrivée dans l'amphi BODIN, cette fameuse polémique. Jean De Quissac cloué au pilori par quelques crétins, ceux qui annonçaient notre ère actuelle, faite de fausses pensées et du vide abyssal que la bien pensance fait régner sur les esprits contemporains. Une polémique à faire trembler d'Assouan à Compostelle. Même Libération et Le Monde s'en étaient fait l'écho...avant que de reculer et de courber l'échine devant ce qui aurait pu être une nouvelle affaire Calas.

Cela aurait pu être un détail, tant les polémiques mal placées sont devenues légion. Bien au contraire. Jean De Quissac s'en était relevé et plus encore. Car après cette fausse affaire, il était devenu encore plus grand. Je me souviens encore de l'unanimité étudiante qui s'était faite et qui ne se fissurait jamais. On ne touchait pas à "Monsieur De Quissac". Même à l'ultra gauche, on s'inclinait en prononçant son nom. Au Kremlin, les dépouilles de 17 elles-mêmes frissonnaient à son nom.

Mardi après-midi, à l'heure où la chapelle de Saint Aubin l'accueillait, je chevauchais en Béarn. Au Houga, sur "ma terre de contrôle" attribuée par arrêté ministériel il y a moins de deux ans, entouré de ses proches et de ses chevaux, Jean De Quissac a rejoint l'autre Patrie comme l'a écrit son épouse. Là-haut, tant de têtes couronnées ont dû bien s'incliner sur son passage. Même Voltaire, s'il tant est qu'il y soit admis.

Avec Jean De Quissac, on savait qu'à chaque fois, les citations fuseraient. Pas de celles qu'on lâche avec prétention pour écraser son auditoire. De celles qu'on distille pour susciter l'éveil. Pour déranger les esprits trop bien rangés d'étudiants encore faits des illusoires dogmes que le XXème siècle a façonnés. Avec moi, il avait vite perçu l'adolescent lecteur des discours de Robespierre que j'avais été; le républicain ambigüe forgé par l'adoration d'un Etat puissant hérité en fait des grandes heures de la Monarchie toute puissante et d'un Empire napoléonien qui ne disait plus son nom. Alors il m'imposa de me plonger dans "l'Histoire des Droites".

Tout son talent résidait là.

Bien au delà des cours magistraux où s'enlisent certains universitaires, Jean De Quissac attrapait l'étudiant à ses folles idées, le dépouillait de ses illusions pour le confronter au contraire de ce qu'il vénérait. On en sortait nu, presque vierge, et l'on s'ouvrait ainsi au Monde. Il aurait fait lire Marx à la Vierge Marie et les Evangiles au plus forcené des Francs-Maçons. Avec son pétillant regard qui se réjouissait d'avoir ébranlé tant d'illusions.

Allez savoir si c'est pour cela que, non baptisé, je suis passé par l'Eglise au jour de mon mariage...

Comme un signe, mardi en Béarn, ma monture ne voulait rien entendre. Cyclone a peut-être communié avec ses pur-sangs de Saint Aubin pour me faire savoir que j'aurais dû aller au Houga.

Nous irons. Sans doute guidé par l'Esprit qui ne s'éteint jamais.

 

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