L'anti parlementarisme, et son cortège d'âmes sombres, ses relents nauséabonds, les Années Trente. Un sujet sérieux, trop sérieux pour que l'on en vienne à s'y plonger sans prendre garde. L'anti parlementarisme fut une vraie famille, un courant profond, bâti sur des socles aussi disparates que celui défendu par ses leaders aussi divers que l'est la France.
Tantôt monarchiste (de droite), tantôt anarchiste (de droite et de gauche). Mais jamais anodin.
L'anti parlementarisme est une vague incessante, se brisant contre les digues de l'Etat. Ce courant ne mourra pas, soyons en sûrs. Les "Godillots" et les "Tous pourris" seront toujours dans les discours, sur les lèvres de certains. Ils le furent au temps du "Canal de Panama", de l'Affaire Dreyfus, un 6 février 34, sous Poujade, à Alger, et...
Mardi dernier à 16h00, quand le sms est tombé m'annonçant que le 49-3 était dégainé par le Premier Ministre, j'ai laché un "ah quand même, enfin !". J'étais presque content, soulagé. Qu'on la passe cette loi Macron, et qu'on arrête de discuter. Cette loi ne changera d'ailleurs pas tant de choses que cela. Mais elle a un mérite, celui de lancer l'offensive. Au moins une, celle des réformes.
Mardi dernier, j'étais heureux. Pas longtemps en fait. Juste quelques minutes, quelques petites minutes. Mardi dernier, sur les coups de 16 heures, j'ai pensé à une maturité, celle d'une classe politique qui allait montrer une attitude constructive, sans clan, sans idées préconçues, juste une envie d'aller de l'avant, "sans idéologie, discours ou baratin" comme le chantait Coluche.
Le 49-3 sorti, on avait 2 jours devant nous. Deux jours à penser.
On attendait Iena, ce fut en fait "Un Balcon en forêt" (Julien Gracq, éditions José Corti, 1958).
Pas de réflexion, juste un réflexe. Un réflexe, celui du partisan le plus crétin qui soit. L'UMP s'en est allé déposer une motion de censure. C'était son droit. Constitutionnel. Mais un droit reste un droit, une possibilité offerte par les textes. Pas toujours une raison, celle que l'esprit aurait convaincue, au détriment de l'instinct.
En déposant cette motion de censure, l'UMP et tous ceux qui l'ont votée par réflexe, ont servi à la Nation ce qu'elle craignait le plus: la vision d'un Parlement clanique, inconscient de ses devoirs, des enjeux, de l'intérêt général. Pour une fois, les protestataires de "gauche" auront eu grâce à mes yeux. Eux, au moins, ils la contestaient cette loi Macron, ils la combattaient pour une vision de société, pour des idées. Je ne partage pas leurs critiques, je les combats aussi, mais il vaut mieux avoir un combattant devant soi, qu'un lâche.
Mardi dernier, en quelques minutes, Charles MAURRAS est revenu hanter les esprits. L'anti parlementarisme, cette famille d'idées qui voulait tuer Blum, les Juifs, les Francs Maçons, les Républicains, au nom d'une nostalgie d'une pureté française idéalisée, a repris forme.
Mardi dernier, et durant ces deux jours, on a entendu de nouveau ce "Pays réel" de Maurras, de l'Action Française, celui qui vomissait la Troisième République, et qui transforma un régime démocratique en une Révolution Nationale au printemps 40...
En déposant cette motion de censure, l'UMP a redonné vie à tout cela. Et à tous ces cauchemars...