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28 décembre 2023 4 28 /12 /décembre /2023 06:44

La faucheuse avait à  peine quitté la côte vendéenne qu'on apprenait hier soir qu'elle avait ramassé Delors en passant par Paris. Le 27 décembre elle choisit peu mais elle choisit haut. En 1923 le même jour, elle avait embarqué Gustave Eiffel. 

Disons le, pour une fois la Une du Monde et sa cinglante phrase en exergue correspondent un peu à mon sentiment. Un goût d'inachevé, un regard pas hostile, point du tout. Juste un manque de frisson. Un plat en sauce sans sauce. Quand Alain Juppé mourra, on sera plus touché. C'est dire. 

Voilà ce que fut sans doute Jacques Delors. Le meilleur d'entre les gauches. 

Une tête bien faite, une vision de demain. Mais sans l'incarner. Sans la faire ressentir. Ce qui distingue les faiseurs des conquérants. Malraux avait des deux. C'est rare. 

Il fit de la CFDT ce qu'elle devint. On saluera cette œuvre à laquelle j'ai participé bien plus tard. 

Il fit de "la Nouvelle Société" ce qu'il advint de son leader, Chaban, une comète vite passée dans une présidence pompidolienne vite effacée aussi par la faucheuse. Un moment d'audace, celui-là. Bref. Inattendu. Vite disparu.

Certains diront qu'il tint les cordons de la bourse et des Finances durant 3 ans au début de l'ère Mitterrand. Soit. Mais à l'époque déjà, l'Histoire avait choisi Rocard dans ce bras de fer entre communistes et réalistes. L'incarnation exige fougue et non platitude. 

Hier soir, à un ami, je disais que Delors ne m'avait jamais fait frissonner. Un catholique plus protestant que Jeanne d'Albret sans doute; ça vous cadre les choses, ça organise, ça gère. Mais ça n'en fait pas l'Histoire. Henri IV l'a montré bien plus que sa mère.

Et puis il y eut ce soir de décembre 1994. Ce soir où la jeune Anne Sinclair le reçut. Toute la France agrippée aux lèvres de Delors. Attendant, attendant qu'un souffle sorte au micro. Candidat ou pas ? Celui qui devait connaitre la réponse, qui a du se délecter de voir son peuple presque transi, patientant presque fébrile de savoir, c'est Mitterrand. Le vieux Sphynx comptait les jours qu'il lui restait à présider. Dans une fin de règne aussi crépusculaire que majestueuse. Lui savait incarner.

Lui savait mieux que d'autres sans doute, que Delors n'irait pas. 3 fois son ministre avait refusé de prendre des postes. Plutôt d'aller à la bataille. C'est ainsi que faute de Delors, on envoya François Hollande combattre Chirac en Corrèze. 

Ce soir là, Mitterrand devait sourire. Il savait que ce Delors gérait, administrait, mais n'incarnait pas. 

N'est pas Talleyrand qui veut.

 

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