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19 novembre 2020 4 19 /11 /novembre /2020 09:57

Quarante huit heures de fébrilité et de fièvre. On sortait d'un week-end des plus désagréables à se battre contre ce qui ressemblait à une pernicieuse attaque de la COVID 19. Le paracétamol n'y faisant rien, j'avais opté pour peignoir et pyjama devant Netflix. 

On aura annoncé durant tout ce week-end le fameux procès DAVAL. 

On aura attendu. Sans trop d'illusion. 

On peut aimer les affaires de justice, surtout quand, comme moi, on a vu un certain nombre de cadavres, d'enfants hurlant de leurs souffrances infligées, de femmes droguées retrouvées gisantes dans un cloaque, de longues gardes à vue et des cellules puantes; la face la plus glauque de notre monde deshumanisé. 

Alors, on attendait l'ouverture de ce procès pour le lundi. Comme par miracle, un lundi matin débarrassé de fièvre. La Covid 19 avait déserté le champ de bataille. Vaincue sans doute. Ou lasse de ne pouvoir s'emparer du bastion, partie ailleurs chercher une meilleure prise.  Le Krak ne se rend pas ainsi.

Lundi donc, voila qu'un ami me signale qu'un type va secouer le petit oiseau.

Twitter, je n'ai jamais aimé. J'ai essayé plusieurs fois. Renoncé autant. Twitter c'est un peu entre le marécage et la basse cour. On s'y enfonce les pieds de son propre poids irréfléchi, on s'y enlise et l'on s'y croit à l'aise, entouré d'une foule qui ne fait que jacter. Des oies, des poules. Le degré zéro de la réflexion. Certains aiment se sentir supérieurs. C'est rassurant d'être entouré de cons. 

L'ami insiste pourtant. Alors pour lui, d'abord, j'y retourne. 

Je suis le lien, méfiant, au moins dubitatif.

Je regarde la tête du type sur son profil. On hésite entre un biker de Sons of Anarchy et un métalleux au fond d'une cave d'un bar clandestin. Le type d'ailleurs semble bien atteint. Situation géographique: la Nouvelle Austrasie. On imagine presque le limes et les garnisons romaines faisant face à la barbare Germanie d'outre Rhin. Le Mur du Nord et sa garde de Nuit. Il faut une certaine foi pour s'y fixer. Ou être atteint de folie. 

Samuel GOLDSCHMIDT. Un nom à faire pâlir les derniers nazillons égarés. 

Bref, au profil on se dit que scruter vaudra peut-être la peine. Il y a des aurores surprenantes, parfois.

Twitter est une basse-cour mal rangée. Je n'ai jamais compris comment un logiciel aussi mal foutu dans son ergonomie avait pu autant émerger. Vous me direz que le Louvre au XIVème siècle a bien servi aux Rois...

Alors on est resté sur le réseau. On a placé les paramètres de manière à pouvoir télétravailler sans rien louper, en se disant qu'on verrait bien. En deux heures on aura fait le tour. Sans doute. Peut-être.

Trois jours que j'y suis. Et que je n'ai pas lâché. 

Trois jours que je me lève en attendant les 9 heures et l'ouverture du procès.

Trois jours qui débutent dans une onirique vision. Samuel dépeint les lieux avant que de dépeindre les êtres.

Il tweette avec ses doigts comme d'autres glissent sur un piano, comme pour entrainer l'auditoire dans un bal endiablé, enivrant. Et nous replaque au sol pour ne pas oublier sa raison d'être, sa mission: retranscrire fidèlement le procès. Sans rien omettre d'essentiel.

Les notes s'envolent, et subitement, le piano se tait. Sans prévenir. Et nous revoila face au juge, à l'expert, à l'accusé. Un mot fatidique à entendre, une attitude à ne pas écarter. Scinder ce qui relève du décor d'une Cour d'Assises, de ce qui relève du débat, voire de l'aveu.

On suivra ce procès par Twitter.

Ce matin, devant BFM, le compte-rendu de l'audience d'hier m'a semblé plat, fade, sans intérêt. Non parce que je savais ce qu'il s'était passé hier en Nouvelle Austrasie. Mais parce que sans piano, sans musique, sans vie étaient les reportages et les blablas.

Le grand reporter de RTL a du briller à la radio. Mais je n'écoute pas souvent cette station, hormis parfois le matin. 

On a ses habitudes, même à 40 ans.

Ce jeudi matin, on a repris sur les coups de 9 heures. J'avais décalé un rendez-vous téléphonique. J'attendais le tweet qui lancerait cette journée. Le bal s'est ouvert comme promis. Et l'audience a repris. 

Samuel GOLDSCHMIDT n'est pas le chef d'orchestre du grand œuvre de la Justice. La Cour d'Assises a son Président, et seul lui gouverne au Procès. 

Mais GOLDSCHMIDT retranscrit, relate. En ajoutant aux débats, ce qui fait la magie de ses tweets: une partition, des notes, un son. 

Il y a des musiques qui vous font voir plus que les yeux. Des mots qui scandent plus que la voix.

Samuel GOLDSCHMIDT a transformé Twitter en un roman fiévreux et virevoltant. Redonné au chroniqueur judiciaire sa raison d'être dans ce monde de réseaux sociaux sans charme et sans retenue.

Et le Journalisme retrouve sa raison d'être. Et un petit oiseau aussi.

Là-bas, en Nouvelle Austrasie. 

 

 

 

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